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Brésil, la Loi d'Or

Le 13 mai 1888, la princesse impériale du Brésil, Isabelle de Bragance, signe l'acte d'abolition de l'esclavage, qui comporte deux alinéas :

Art. 1.º: É declarada extinta desde a data desta lei a escravidão no Brasil

.À partir de ce jour, l'esclavage est aboli au Brésil.

Art. 2.º: Revogam-se as disposições em contrário.

Toute disposition au contraire est abolie.

C'est le dernier acte d'une longue et douloureuse conquête de la liberté, pour tous les esclaves afro-brésiliens. Très tôt, dès le début du XVIe siècle, les Portugais ont importé, à fond de cale, des millions d'hommes pour remplacer les Indiens, décimés par les épidémies, les mauvais traitement, ou protégés par les Jésuites.

Dans cette longue lutte vers la liberté, les esclaves eux-mêmes ne sont pas en reste. Le marronnage, au Brésil, est particulièrement courant. Afin d'échapper aux sévices, nombre d'entre eux s'échappent pour former, dans la forêt, des communautés où se perpétue la culture et les langues africaines, les quilombos. Ces vastes mouvements d'évasion, souvent collectives, s'accentuent dans les dernières années précédant l'abolition.

Ainsi, le quilombo de Palmares, au XVIIe siècle, parvient à tenir en échec les expéditions hollandaises et portugaises. Peuplé d'esclaves du Nordeste, mais aussi d'Indiens, de mulâtres et de soldats déserteurs, constitués en communauté autonome, sans hiérarchie, menée par des chefs de guerre, lorsqu'il est nécessaire de se battre contre les tentatives de reconquête. Parmi ces généraux marrons, Zumbi Dos Palmares s'est particulièrement illustré dans la résistance acharnée aux troupes portugaises, dans les années 1680. En 1694, cependant, lourdement armés, les Portugais parviennent à reprendre Palmares, dont les habitants s'enfuient plus loin dans la forêt ... Pour fonder de nouveaux quilombos.

Dès l'indépendance du Brésil, en septembre 1822, la question de l'abolition est aux coeur des débats parlementaires, mais aussi au centre des rivalités commerciales entre le Brésil et l'Angleterre, qui, selon le Bill Aberdeen, arraisonne, dès 1845, les navires négriers de l'Atlantique, jusque dans les eaux brésiliennes. Paradoxalement, cette pratique accentue le commerce négrier, les négociants craignant une abolition définitive de l'odieux trafic : des centaines de milliers d'hommes enchaînés continuent d'être vendus aux grands propriétaires, qui anticipent la hausse des prix d'une denrée qui risque de se faire rare.

La pression britannique se fait plus menaçante, cependant, et en 1850, le gouvernement brésilien finit par mettre un terme au trafic négrier transatlantique. Le dernier débarquement connu de déportés africains a lieu en 1856. La traite interne se poursuit, malgré l'afflux de main d'oeuvre européenne, mais décline peu à peu.

Les campagnes abolitionnistes se multiplient. Les soldats noirs, de retour de la guerre contre le Paraguay, en 1870, jouent un rôle non négligeable dans la lutte. De nombreux artistes, intellectuels, étudiants, hommes politiques brésiliens, dont de nombreux Francs-Maçons, considèrent la persistance de l'esclavage comme un archaïsme indigne de la nation qu'ils souhaitent construire. Des ligues abolitionnistes se constituent, dont la presse est particulièrement active, et dont les membres paient eux-même les lettres d'affranchissement de milliers d'esclaves.

Ainsi, l'avocat Luis Gama, ancien esclave lui-même, parvient à réunir les fonds nécessaires au financement de plus de mille lettres d'affranchissement.

Le gouvernement brésilien, inquiet de la réaction des grands propriétaires terriens, se montre prudent. C'est par étapes que les lois abolitionnistes sont votées.

Le 28 septembre 1871, la Loi du Ventre Vide permet à tous les enfants d'esclaves, après cette date, de naître libres. Dans la pratique, les "ingénus", comme les nomme la loi, demeurent dans les plantations, et continuent d'être exploités par les maîtres... La possibilité de remettre les enfants nés libres au gouvernement n'a été appliquée que dans les cas d'handicaps et d'infirmités qui les empêchent de travailler.

Puis, en 1887, la Loi des Sexagénaires libère tous les esclaves de plus de soixante ans. Rares étaient en fait les esclaves atteignant cet âge. Et les survivants sont sont souvent abandonnés par leurs propriétaires...

Devant les hésitations gouvernementales, la résistance des propriétaires, et la difficulté de faire appliquer la loi, le mouvement abolitionniste s'intensifie, et rejette toute idée d'indemnisation. Certaines autorités municipales font le choix de libérer les esclaves de tous les territoires placés sous leur juridiction. Les évasions collectives, souvent soutenues par les réseaux abolitionnistes se multiplient.

Dans l'état de São Paulo se constitue, notamment, le quilombo de Jabaquara, de plusieurs milliers d'esclaves, menés par Antonio Bento. Les révoltes se multiplient, semant la panique chez les planteurs.

Et l'armée, acquise à la cause, refuse désormais d'intervenir contre les esclaves en fuite.

Lorsque l'impératrice signe l'acte d'abolition sans indemnisation, les grands propriétaires s'insurgent mais échouent. Cependant, de cet échec naît leur défiance face à l'état brésilien, qui les pousse à une quasi-autonomie, sur de très vastes territoires, où ils n'hésitent pas à se constituer des milices privées...

Quant aux esclaves, beaucoup choisissent de quitter les campagnes et de tenter leur chances dans les villes... où ils peuplent les favelas. Ceux qui restent dans les campagnes sont désormais des paysans sans terre, en proie à l'exploitation, et à la violence des anciens maîtres...

-------> http://lacontrehistoire.over-blog.com/17-avril-journ%C3%A9e-mondiale-des-luttes-paysannes

Pour aller plus loin :

Katia. Mattoso, Etre esclave au Brésil, XVIe-XIXe siècle, L'Harmattan, coll. Horizons Amérique Latine, 2000.

Jean Hébrard, Brésil quatre siècles d'esclavage. Nouvelles questions, nouvelles recherches, Khartala, coll. Esclavages, 2012.

La Leia Aurea, Archives Nationales, Rio De Janeiro.

La Leia Aurea, Archives Nationales, Rio De Janeiro.

Tag(s) : #Amériques, #Luttes, #Esclavage
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