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Marina Raskova
Marina Raskova

Les récentes cérémonies des soixante-dix ans de la victoire de l'URSS contre l'Allemagne nazie, ce 9 mai 2015, nous ont rappelé à quel point l'histoire était l'objet de manipulation... Dans l'esprit de nombre de nos concitoyens, la Victoire est le fait du seul débarquement de Normandie, et des sondages montrent qu'ils en attribuent la paternité aux seuls Etats-Unis, conformément au mythe de l'Amérique qui sauve le monde.

Ainsi, dans le contexte de tensions en Ukraine, aucun chef d'état de l'Union Européenne n'a pris la peine de venir saluer une nation qui a perdu 26 millions de ses habitants entre 1941 et 1945 et qui a infligé les plus lourdes pertes aux troupes allemandes...

La Contre-Histoire aurait pu évoquer les batailles de Stalingrad ou de Koursk, mais c'est à de jeunes et héroïques pilotes de l'Armée Rouge que nous avons décidé de consacrer cet hommage, celle que les Allemands surnommaient les Sorcières de la Nuit... Tant sont mortes en mission que le décompte final ne peut même pas être précis.

Yak-AIR-12, l'avion du premier record
Yak-AIR-12, l'avion du premier record

Près d'un million de femmes ont servi dans l'Armée Rouge, dès les premiers mois de l'invasion allemande, dès l'opération Barbarossa, souvent en première ligne. Et parmi elles, les pilotes amatrices s'engagèrent massivement dans les bataillons d'aviation de combat.

Née le 28 mars 1912, Marina Raskova est une de ces figures majeures de cette unité que les Allemands appelaient les Sorcières de la Nuit, tant les attaques nocturnes de ces pilotes les terrifiaient. Fille d'un chanteur d'opéra, Mikhail Malinine et d'Anna Spiridonovna, professeur, sœur de la célèbre chanteuse Tatyana Liubatovitch, elle est elle-même virtuose du piano, mais sort diplômée de l'Institut de l'Aviation Civile de Leningrad, et commence sa carrière de navigatrice, puis devient pilote, en 1925.

Et le 24 octobre 1937, avec Valentina Grizobudova, elle enregistre un record du monde féminin de distance, 1445 km non stop, aux commandes d'un Yakolev AIR-12 !

L'année 1938 est pour elle celle de trois nouveaux records mondiaux : à bord d'un hydravion MP-1, couvrant 1749 km puis 2241 km, avec Valentina Grizodubova et Paulina Osipenko en ANT-37 parcourant 6450 km, en un vol non-stop de Moscou au Pacifique. Au terme de ce très long périple, les trois femmes doivent effectuer un atterrissage d'urgence dans la taïga, et ne seront retrouvées que dix jours plus tard, devant la vie à quelques barres de chocolat...

A l'âge de 26 ans, le 2 novembre 1938, elle reçoit l'Etoile d'or, numéro 106, des Héros de l'Union Soviétique, avec Grizodubova et Osipenko, pour ce vol record vers l'extrême-Orient.

Timbre soviétique à l'effigie de Raskova
Timbre soviétique à l'effigie de Raskova

Promenade de santé au regard de ce qui l'attend avec l'irruption de la guerre...

Marina rejoint l'Armée Rouge dès 1938, et en même temps le NKVD, nommée lieutenant supérieur de la Sécurité de l'Etat.

C'est ainsi qu'elle use de ses contacts avec Staline pour obtenir la création des unités de combats féminines, suscitant la vocation de milliers de femmes pilotes amatrices.

Fin octobre 1941, avec l'accord du commandement suprême et avec le soutien du Komsomol, les Jeunesses Communistes de la ville d'Engels, elle forme un groupe trois régiments d'aviation féminins:

  • le 586ème IAP, régiment de chasse, qui vole sur Yak-1, assigné à la défense de Saratov.
  • le 587ème BAP bombardiers en piquet, dont Marina Raskova est nommée commandant, sur Polikarpov PO-2, prévu pour l'entraînement et le travail agricole... mais qui jouera un rôle crucial dans le harcèlement nocturnes des troupes allemandes.
  • Le 588ème NBAP, bombardiers de nuit, qui portait le surnom des "Sorcières de La Nuit", et volait également sur PO-2.
Lydia Litvyak, la Rose Blanche de Stalingrad
Lydia Litvyak, la Rose Blanche de Stalingrad

400 femmes composent donc ces régiments, pilotes, mécaniciennes et radio, mitrailleuses, armurières, et paieront un lourd tribut à la guerre.

A Engels, au nord de Saratov, elles sont entraînées, et celles qui ne sont pas encore pilotes, formées par un des nombreux aéro-clubs, très florissants dans l'Entre-Deux-Guerres en URSS, apprennent vite... Six mois de formation !

Raskova est présente à chaque étape des sélections, et décide de l'orientation des candidates. Beaucoup sont déçues de ne pas devenir pilote de chasse, mais Marina est ferme dans ses décisions, et force l'admiration de ses recrues.

Pourtant, toutes celles qui ne sont pas choisies pour être pilotes deviennent également des héroïnes, travaillant au sol dans des conditions épouvantables, souffrant du froid l'hiver et de la canicule l'été, et de la faim...

Et lorsque la situation devient critique à Stalingrad, la première escadrille du régiment de chasse est envoyée au front, et s'y illustrent deux jeunes femmes jusqu'alors considérées comme des fortes têtes, plus ou moins frondeuses, Lidya Litvyak et Yekaterina Budanova, qui abattent respectivement 11 et 12 avions allemands. Toutes deux sont même transférées dans un régiment masculin, qui devient mixte à cette occasion !

Lydia "Lily" Litvyak devient la Rose Blanche de Stalingrad. Attaquée en mars 1943 par quatre Messerschmitt Bf-109s au-dessus Kharkov, elle en abat deux avant de faire fuir les deux autres. Mais, le 1er août 1943, Lily, escortant une unité de Sturmoviks, pour sa troisième sortie de la journée, est finalement tuée, prise en chasse par huit pilotes de Messerschmitt qui, sciemment, se concentrent sur son Yak-1, parce qu'elle est devenue un symbole... Elle avait 22 ans.

Yekaterina Budanova, après avoir touché deux avions ennemis, est abattue quelques jours plus tôt, le 18 juillet 1943, dans le ciel de Kharkov.

Polikarpov PO-2
Polikarpov PO-2

Mais les Sorcières de la Nuit, à proprement parler, sont les femmes du 588 NBAP... Après la guerre, elles ne sont plus très nombreuses.

Le 23 mai 1942, c'est en Ukraine qu'elles arrivent pour se battre.

Nous ne pouvions tout simplement pas croire que les pilotes soviétiques qui nous causèrent les plus gros problèmes étaient en fait des femmes. Elles n’avaient peur de rien. Elles venaient nous harceler nuit après nuit dans leur biplan rustique, et durant de longues périodes ne nous laissaient pas fermer l’œil de la nuit.

Hauptmann Johannes Steinhoff, le commandant de la II./JG 52

Avec leurs biplans PO-2, à 150km/h maximum, pouvant tranporter 300kg de bombes, sans radio, elles parviennent, malgré leurs limites techniques, à infliger de sévères pertes à l'ennemi.

Ainsi, dans la nuit du 5 octobre, 1942, l'une d'elles détruit un dépôt de carburant à Armavir et le feu s'étend rapidement à tout le terrain où seul un avion allemand réchappa à l'incendie... Par chance, peut-être... En représailles, le Fliegerkorps IV fait de l'éradication de cette unité des Sorcières une priorité. Dans leurs frêles avions de bois et de toiles, elles n'ont aucune chance. Et si, miraculeusement, elles parviennent à se poser, elles sont immédiatement exécutées.

Une nuit, comme notre avion survolait l’objectif, les projecteurs s’allumèrent, la DCA se mit en action, et une fusée verte fut tirée du sol. La DCA arrêta de tirer, un chasseur allemand arriva et descendit quatre de nos avions, l’un après l’autre, à chaque fois qu’ils arrivaient sur leur cible. Nos avions prenaient feu comme des chandelles. Nous avons toutes cette scène gravée dans nos mémoires. Lorsque nous atterrîmes et annonçâmes que nous avions été attaquées par des chaseurs allemands, ils ne voulurent plus nous laisser voler cette nuit-là. Nous dormions dans une école dans des lits superposés. Vous pouvez imaginer nos sentiments lorsque nous revîmes les lits faits de nos amies qui périrent quelques heures plus tôt

Serafima Amosova, pilote

Capitaine Natalya Meklin
Capitaine Natalya Meklin

Mais les Sorcières ne se laissent pas clouer au sol !

Pour éviter les projecteurs, elles volent en rase-motte, coupent leurs moteurs en arrivant au-dessus de leurs objectifs, avant de piquer sur leur cible, volant par groupe de trois, les deux premières servant de leurre à la troisième, avant d'attaquer elles-mêmes.

Elles apprennent à utiliser la lenteur de leurs avions, très maniables, et volent bas pour se cacher derrière les arbres ! Par le harcèlement constant qu'elles infligent aux Allemands, elles contournent toutes les limites de leurs appareil et deviennent des éléments-clé de la victoire.

23 672 sorties et3000 tonnes de bombes larguées. 23 femmes pilotes de ce régiment furent décorées de la Croix d’Or des héros de l’Union Soviétique.

le 6 juillet 1943 en récompense, le régiment reçoit le nouveau titre de "46ème Taman' Régiment de Bomardiers de Nuit" et fut le plus décoré des forces aériennes soviétiques.

Marina Raskova et ses Sorcières de la Nuit

Le 587ème BAP commandé par Raskova, rebaptisé 125ème, arrive, quant à lui, à Stalingrad le 22 novembre 1942, avant de terminer ses missions en Pologne.

1134 missions de combats et 980 tonnes de bombes larguées.

Parmi ses combattantes, Mariya Dolina abat en même temps un Bf 109 et un Fw 190, aux commandes de son bombardier Petliakov Pe-2, dont le régiment a été récemment doté.

Mais Marina Raskova ne survit pas jusqu'à la Victoire finale de l'URSS...

Alors qu’elle convoyait en première ligne une formation de trois avions, le 4 janvier 1943, dans une tempête de neige, son Pe-2 s’écrase au Nord de Stalingrad contre les hautes falaises qui longent les rives de la Volga.. Ce jour-là, de cette mission, aucun équipage ne revient.

Son oeuvre se poursuit, cependant, et ses Sorcières s'illustrent, notamment, Anna Timofeyeva-Yegorova, adjointe du commandant de régiment du 805 ShAP (Régiment d'aviation d'attaque au sol), seule femme de son unité, pilotant un IL-2, gagne le surnom de "Tank Volant". Elle aussi est abattue, dans le ciel de l'Allemagne mais survit à ses blessures et est envoyée dans un camp de prisonnier. Libérée, mais considérée comme élément collaborateur, elle est alors transférée dans un camp de prisonnier en URSS, et bien vivante, elle reçoit, à titre posthume, la médaille de Héros de l'Union Soviétique !

L'hommage des pilotes français de Normandie-Niemen est sans doute l'un des plus vibrants qu'on leur ait rendu...

Même s’il était possible de cueillir et de déposer à vos pieds toutes les fleurs de la Terre, cela ne constituerait pas une reconnaissance suffisante de votre valeur.

«Il n’y avait pas de temps à perdre avec les émotions. Celles qui le faisaient finissaient bombardées et brûlées vives dans leur avion, n’ayant pas de parachutes.»

Nadiejda Popova

Tag(s) : #Guerres, #Féminisme
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