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7 avril 1994, Rwanda

Le 7 avril 1994, au Rwanda, commençait le génocide perpétré contre l'ethnie Tutsi.
L'un des plus terribles des génocides du XX° siècle : 800 000 victimes selon l'ONU, un million selon les autorités rwandaises, pour un génocide de cent jours...

La veille, l'avion des présidents rwandais et burundais, Juvénal Habyarimana et Cyprien Ntaryamira , est abattu, ce qui donne le coup d'envoi aux massacres.


Mais plusieurs pistes de réflexion se dégagent de ce génocide.



Sur les causes, d'abord...

Rappelons notamment que les colonisateurs allemands, puis belges après 1918, portent une part de responsabilité : Amateurs de théories raciales, ils ont favorisé l'ethnie tutsi , qu'ils ont associé à la pratique de la domination coloniale, au prétexte que les Tutsis appartiennent au groupe nilotique, les opposant aux Hutus. En 1931, la carte d'identité des « indigènes » porte la mention de leur appartenance ethnique : Hutu, Tutsi, ou Twa.
C'est surtout la stratégie du « diviser pour mieux régner », comme l'ont fait les Français en Afrique du Nord, en exaltant la fierté berbère face à la domination arabe.
En réalité, la coexistence des Hutus et des Tutsis, avant la colonisation, était pacifique, et les mariages inter-ethniques n'étaient pas rares. Les ethnologues ont remis très sérieusement en question cette fracture ethnique inventée par les colons.
Mais à l'indépendance, le renversement du pouvoir au profit des Hutus instaure un climat de violence et de ressentiment à l'encontre de ceux qui avaient été favorisés par le pouvoir colonial.
En 1963 ont lieu des massacres de Tutsis, au Rwanda, tandis qu'au Burundi voisin, ce sont les Hutus qui sont victimes d'exactions de la part de la majorité Tutsi.

Et au-delà des causes ethniques, comme toujours, la situation économique du pays, qui traverse une grave crise foncière, aggrave la fracture ethnique. Toujours, sur le terreau de la misère prospère le repli identitaire qui mène au pire.



Sur la préparation du génocide, ensuite...

Comme ailleurs, en d'autres temps, c'est une préparation méticuleuse qui permet la rapidité de mise en œuvre de ce génocide... une lente préparation, faite de propagande insidieuse puis ouverte, qui prépare et conditionne les esprits jusqu'au déchaînement de la violence.
Par les massacres sporadiques, d'abord, dès 1959... Les historiens spécialistes de la question dénoncent un projet génocidaire prévu de longue date, et soigneusement planifié.
Depuis des années, les « médias du génocide » éructent leur haine, et incitent à la violence, depuis des mois, des années. Le support principal en est la radio des Milles Collines, sous contrôle des extrémistes hutus.
La planification est un fait établi. La France, notamment, avait été avertie d'une déstabilisation massive du pays, et des risques génocidaires.



Sur les espoirs déçus d'un Nouvel Ordre Mondial, que préfigure la fin de la Guerre Froide...

En 1991, quand s'effondre l'URSS, la communauté internationale espère que l'ONU, le machin selon De Gaulle, va enfin pouvoir jouer le rôle que lui interdisait l'affrontement des deux Grands. Les espoirs d'une plus grande égalité entre les nations sont vite déçus. Le système de veto au Conseil de Sécurité, qui a enrayé la machine, n'est pas près de céder.
Si quelques progrès ont été réalisés dans le domaine du droit international, et si l'URSS chancelante n'a pas opposé son veto à l'expédition contre l'Irak, pour la première Guerre du Golfe, l'institution montre sa faiblesse à intervenir dans les conflits internes, même si l'idée d'ingérence humanitaire fait son chemin. Et intervenir dans les pays dépourvus de ressources énergétiques semble aussi plus compliqué....
Ce sont les Casques Bleus qui sont envoyés, en tant que force d'interposition. Certains de ces militaires témoignent plus tard des ordres contradictoires, qui leur demandent de quitter une zone, quand bien même les assassins approchent. En outre, leur statut permet de s'interposer, et de ne tirer que s'ils sont directement menacés.
En réalité, la « communauté internationale » démissionne... refusant notamment de qualifier les événements de « génocide ».
Dénoncée par le général canadien Roméo Dallaire, cette démission se traduit notamment par le retrait des Casques Bleus belges, entériné par le Conseil de Sécurité, après la perte de dix d'entre eux. Ils sont relayés par la France, avec l'opération « Turquoise », accusée par la suite d'avoir laissé échapper des génocidaires, ou encore de n'avoir pas détruit la station de radio des Milles Collines, après l'avoir localisée.


Au plan de l'interprétation « morale » des événements.

L'idée bien ancrée, dans les mentalités européennes, de peuples africains prêts à se massacrer à coups de machette est intolérable. La colonisation a joué un rôle prépondérant dans tous les conflits inter-ethniques et entre états en Afrique. Et le sous-développement endémique, est entretenu par le contrôle des ressources par les puissances du nord, et leurs firmes, soutenant des gouvernements aux ordres.
Qu'on se rappelle des paroles du pilote russe, dans le Cauchemar de Darwin : " A Noel, des oranges d'Afrique pour les enfants européens, des armes pour les enfants africains"
Les génocides perpétrés en Europe au cours du XX° siècle ne sont pas moins barbares. Ils ont juste profité de la mise en place d'une technicité et d'une technocratie dans leur planification et leur application. Rappelons-nous de ces massacres ethniques ont eu lieu près de chez nous, en Bosnie... Ce n'est pas bien loin, ni dans l'espace ni dans le temps.

Toutes les propagandes xénophobes sont ou seront meurtrières. La mise au pilori des minorités, orchestrées par le pouvoir ou par des groupes, font sauter, un à un, tous les verrous moraux qui, collectivement, interdisent les génocides.


D'ailleurs, quand on considère l'autre comme appartenant à une autre ethnie plutôt que comme son semblable en humanité, n'est-on pas prêt au génocide ?

Tag(s) : #Génocides, #Colonisation, #Guerres, #Peuples !
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