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Cavanna, le 8 février 2006...

Souvenons-nous qu'en 2006, rares sont ceux qui ont osé défendre Charlie Hebdo lors de l'affaire des caricatures. Et en effet, ils ont été abandonnés. A la lecture de de ce texte de Cavanna, du mercredi 8 février 2006, on peut le dire aujourd'hui : Non, ils n'ont pas été soutenus. Oui, ils ont été traînés dans la boue. Et en effet, les excités de la religion ont fini par faire ce qu'ils avaient promis. Nous sommes effondrés.



" Chasse Dieu, il revient enturbané,

Cavana, dans Charlie Hebdo, le 8 février 2006


Tu ne crois en rien. Tu as banni de ton langage l'usage du verbe « croire » à la première personne du singulier. Tu es athée. Pour toi, rien n'est sacré. Or, il te faut agir comme si le sacré existait, et que tu doives en tenir compte, parce qu'il existe des gens, ce qu'on nomme croyants, qui, eux, organisent leur existence autour de cette notion de
sacré. « Tout est permis mais il faut tenir compte de la sensibilité d'autrui. », disent les bons apôtres. Que de délicatesse ! On en tient compte parce qu'on a la trouille, oui !
On n'arrête pas de faire remarquer que le christianisme et aussi le judaïsme tolèrent les plus cinglantes moqueries envers, non seulement leurs prêtres et leurs prophètes, mais envers leurs dieux même... Croyez-le, ce n'est pas de bon cœur ! Seulement, on leur a arraché les dents. Ils ne peuvent protester que par la voie judiciaire, ils ne s'en privent d'ailleurs pas, mais enfin, ils ne sont pas prêts à déclencher la guerre sainte.
L'Islam, lui, oui. Tout au moins, je me plais à le croire, une frange excitée de l'Islam. Or, l'Islam est désormais partout, en terre d'Occident. Et donc, partout où est l'islam, cette minorité d'excités est aussi. Car c'est bien la peur qui suscite cette explosion autour des réactions des pays musulmans à la publication des douze dessins danois – pas très bons d'ailleurs, mais là n'est pas la question.
Quiconque croit en quelque chose de tellement sacré qu'il échappe au jugement ne peut admettre qu'il existe des gens pour qui ce tabou n'est pas évident. Dans toutes les religions, la masse des croyants n'en fait pas un crime effroyable, tout au plus un blasphème. Oui, mais en religion plus encore que dans tout autre domaine, ce sont les excités, les fanatiques qui agissent et qui parlent au nom des autres et vont aux pires excès.


De tous les dessinateurs interrogés par Le Monde, seul Cabu a eu le mot juste : « Je suis frappé de voir, en ce qui concerne les musulmans, à quel point les modérés ne s'expriment pas et laissent faire des choses terrible en leur nom.
Parmi les dérobades plus ou moins motivées de ses confrères, ce parler libre et franc – et courageux!- faisait du bien. Cabu, mon petit frère, je t'aim
e.


Il importe de se poser la question : Pourquoi ce vacarme indigné, pourquoi ces menaces et, surtout, pourquoi là maintenant ? Est-ce là la conséquence de la soudaine accession au pouvoir du Hamas palestinien ? Faut-il y voir un avant-goût du climat de violence et d'insécurité qui, jusqu'ici, a caractérisé l'action du Hamas ? C'est à dire créer un climat de guerre sainte sur l'image d'un islam persécuté et méprisé partout en Occident ? Il semble bien que, malgré toutes les démonstrations multipliées par l'Iran, ces derniers temps pour se donner l'allure du leader de la lutte à outrance, le petit Hamas soit en train de lui damer le pion.
Donc, nous en sommes là. On peut rire de tout, sauf d'une seule chose : l'image d'un certain prophète, fondateur d'une certaine religion. « On peut rire de tout, sauf... ». Dans cette phrase, « sauf » prime « tout ». Là où il y a « sauf », il n'y a plus rien. La liberté ne peut être que totale ou n'être pas.


Pour nous, incroyants, la religion n'est qu'un amas de billevesées, consolationnisme, imposture, celle-ci autant que celles-là. Or nous, incroyants, devons subir la loi des croyants – de certains croyants - parce qu'ils nous font peur. Rangez vos discours lénifiants. Vous avez la trouille. On en est là, après plus d'un siècle de triomphe laïque. S'abstenir de publier les trop fameux dessins danois, s'interdire de les défendre, s'autocensurer (quelle chose vile!), c'est abandonner la laïcité, c'est renier les durs combats du début du XX° siècle. Ce que n'ont pu faire nos curés, nos pasteurs ni nos rabbins, les « fous de Dieu » des banlieues sont en train de le réussir.
Ne parlons pas de mansuétude ni de respect de « l'autre ». Disons franchement : « Je ne me moquerai plus d'Allah et de son prophète parce que j'ai la trouille ». Et ajoutons : « Si demain un imam m'interdit de manger du jambon en sa présence, je m'abstiendrai d'en manger parce que j'ai la trouille. Ce sera plus franc.
Je n'avais pas l'intention d'évoquer cette histoire de caricatures maudites. J'avais un sujet bien en main et puis, vous savez ce que c'est, l'ambiance m'a saisi. Ce dégonflage universel avec tortillement de croupes, et protestations de « politiquement correct » m'a fait bondir. Je pense que tout ce que je viens de vous dire, les copains l'auront amplement traité dans ce numéro, et sans se dégonfler, eux. Ça ne fait rien, ça soulage.
J'écris ceci vendredi. J'ose espérer que d'ici à parution, soit mercredi prochain, la presse française aura, comme un seul homme, protesté franchement, sans tourner autour du pot, contre cette violence qui lui est faite, et sauvé le principe même de la laïcité. Si nous sommes unis, « ils » ne foutront quand même pas des bombes dans toutes les rédactions !


Il existe – au musée de Topkapi, je crois bien, mais je n'en suis pas sûr -, enfin il existe, j'en ai vu maintes reproductions, un splendide manuscrit en langue arabe, exécuté aux premiers siècles après l'hégire, lorsque la civilisation des califes brillait de son plus vif éclat, Ce manuscrit très précieux s'intitule Le Voyage du Prophète. Il est abondamment illustré de miniatures représentant le prophète Mahomet emmené par l'ange Gabriel visiter les régions célestes. Le tabou de l'image du prophète n'existait-il donc pas en ces temps encore tout proches de la révélation ? Il est vrai qu'il ne s'agit pas de caricatures, mais d'images pieuses sur lesquelles Mahomet apparaît entouré d'une gloire matérialisée par les flammes d'un ardent brasier. Je reconstitue de mémoire.
C'était l'époque des Mille et Unes Nuits. L'islam, alors, à ce qu'il semble, était aimable. Et fertile. La science arabe brillait d'un vif éclat tandis que l'Occident crevait sous la féodalité et la tyrannie chrétienne. "

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