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Le peuple si besoin

Le 5 mai 1789, les Etats Généraux ouvrent dans la salle des Menus Plaisirs, à Versailles. Sur les 1196 députés, élus par ordre, 598 sont des députés du Tiers Etat, qui représentent 98% de la population française... Mais ces hommes du Tiers sont-ils les représentants du peuple ?

Elus par les assemblées des bailliages, les députés du Tiers sont avocats, négociants, bourgeois-laboureurs enrichis, procureurs du roi...
Lorsque l'abbé Sieyès, en janvier 1789, publie sa brochure " Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? - Tout. Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique ? - Rien. Que demande-t-il ? - A être quelque chose. ", c'est la société d'ordres qu'il remet en cause, au nom d'une bourgeoisie qui crée la richesse du royaume, en demeurant privée de tout pouvoir politique et de l'accès à certains emplois.

Si les bourgeois portent effectivement une partie des revendications antifiscales et émancipatrices du Tiers, l'immense majorité du peuple n'est pas représentée à Versailles. Manouvriers, métayers, boutiquiers ont rédigé leurs Cahiers de Doléances, souvent corrigés, puis absorbés par les cahiers bourgeois, où s'expriment les revendications politiques d'une classe instruite, mais ils ne sont pas présents à Versailles pour écouter le discours du roi, puis de son ministre des finances Necker, banquier suisse.

Seul paysan, assez aisé au demeurant, le député du bailliage de Rennes, Michel Gérard, laboureur, domicilié en la paroisse de Montgermond, député de la paroisse Saint-Martin de Rennes, fait figure d'exception, de curiosité pittoresque. Surnommé Père Gérard, il est considéré avec condescendance et amusement, ayant gardé son costume de cultivateur, et gratifié d'un "Bonjour, Bonhomme ! ", par Louis XVI, qui n'a peut-être jamais eu l'occasion de voir un paysan de si près...

La colère gronde depuis des mois, pourtant, dans le royaume. Si les finances exsangue ont mené le roi à convoquer les Etats Généraux, le mécontentement populaire n'est pas étranger à cette décision, et il serait réducteur de n'y voir que des motifs financiers. La Journée des Tuiles, à Grenoble, le 7 juin 1788, pendant laquelle les habitants jettent des tuiles de leurs toits aux soldats, est la manifestation de cette colère. Grenoble est une ville prospère, entrée, déjà, dans l'ère industrielle et n'accepte plus les emprunts croissants qu'impose la monarchie pour renflouer les caisses, ni le renvoi des parlementaires de la cité. Le petit peuple soutient cette fronde et défend ses bourgeois. Comme la menace de contagion aux autres assemblées provinciales est sérieuse, Louis XVI se résout à convoquer les Etats pour l'année suivante.

Et lorsque les députés bourgeois du Tiers, après le Serment du Jeu de Paume, ont besoin du peuple, ils le trouvent pour s'emparer de la Bastille, ou marcher sur Versailles en octobre et ramener le roi à Paris, malgré la disette qui affaiblit les corps.
Le peuple de Paris comme celui des provinces, est un allié dont on craint les débordements, et qu'on sait utiliser quand besoin est.
Mais à l'automne 1789, forts de leurs acquis de la Nuit du 4 août, les députés de la nouvelle Assemblée Constituante s'inquiètent de l'agitation populaire. Il est question d'égalité des droits, mais évidemment pas de condition.
La loi martiale, en octobre 1789, interdit les rassemblements de plus de 20 personnes, qui peuvent désormais être dissous par la force.

A l'apogée de ce retour à l'ordre, en juin 1791, la loi Le Chapelier interdit toute coalition ouvrière et toute grève, sous peine de mort...


(Les Trois Ordres- Gravure anonyme du XVIIIe siècle)

Tag(s) : #Révolutions
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